dimanche 7 juin 2009

Sorcerer (1977): L'Exorciste

Sorcerer (Le convoi de la peur) est un film viscéral, où la tension d'une action vous fait paniquer sur votre canapé. Après tout, c'est l'histoire de 4 hommes qui doivent transporter de la nitro en pleine jungle dans des camions à l'agonie. Ils n'ont pas le droit à l'erreur sinon ça saute immédiatement.

Comme à mon habitude, plutôt qu'une critique, je préfère revenir sur un bout de scène illustrant cette mise en scène de la tension. Dans cette scène, le 2ème camion rencontre le premier véritable obstacle : un pont dans un sale état.

Mais bien sur, nous n'avons pas suivi le passage du 1er camion, nous découvrons donc la situation en même temps que le 2ème convoi, par une note "Bonne chance" (1) qui fait place à un balayage de cet endroit risqué, de ce fossé (2, 3). Une carcasse de camion y repose, et pour améliorer le tout, le bois est pourri (4).

Les 2 conducteurs regardent comment faire passer le camion -5). Devant le danger, l'un d'eux gueule en pensant sauver sa peau avant tout (6). Mais l'indifférence de son compère le rappelle à la réalité, si le camion pète, ils meurent tous les deux (7). Il se resigne donc.

On passe aux choses sérieuses, l'un guide, l'autre conduit, le camion doit passer malgré tout. Plus que jamais, les persos ont trop conscience de ce qui peut se passer (8, 9). La tension se fait sentir.

Mise en marche, gros plans, l'action commence. La tension aussi.

Apparition concrète du danger, entre-croisée par la peur croissante du conducteur.

Devant le danger, le conducteur ignore son guide. La communication est brisée, le guide s'affole, la tension monte d'un cran. D'un côté le conducteur s'acharne à faire attention, de l'autre il est évident que le guide voit un problème arriver.

Quand le problème arrive, nous sommes encore dans la surprise. Le conducteur fait littéralement une chute, on découvre qu'un bout de bois a cédé. Par miracle, le camion n'a pas sauté, le conducteur comme le guide sont effrayés.


# Résumons ce bout de scène :
  • Présentation du danger de l'endroit; un pont, un fossé, structure pourrie du pont
  • Désaccord entre les hommes; lien fragile entre les yeux (guide) et le guide (conducteur)
  • Le camion peut sauter à chaque faux mouvement, les hommes ne maîtrisent pas tout
Ces 2 points nous ont préparé à l'action, ainsi:
  • lors du démarrage du camion, on est attentif (merci aux gros plans);
  • lorsque le bois montre ses signes de fatigue, notre attention se "crystalise", elle se fond sur celle du conducteur, dont le point de vue nous rappelle le fossé (en plus du bois pourri, c'est sadique):
  • lorsque le conducteur n'en fait qu'à sa tête, le désaccord réapparait en tête, on sait qu'un problème arrive. Suspens donc;
  • lorsque le camion chute, notre attention s'est crispée. Pas d'explosion mais une situation encore plus risquée apparait, il faut désormais sortir le camion.
Par ce processus extremement simple, William Friedkin nous plonge à l'essence même de l'action. A tel point que l'on oublie qui sont les 2 personnages, présentés pourtant comme des ordures (l'un est terroriste, l'autre banquier voleur). L'important, c'est la survie. La peur aussi !

Dans d'autres scènes de Sorcerer, Friedkin poussera le danger de la situation en renforçant le manque de contrôle absolu des persos sur leur destinée (pluie diluvienne, pont suspendu en ruines, fleuve en crue... pfiou).

Récemment, Hurt Locker fonctionnait exactement sur ce même schéma, confrontant ses personnages à une situation risquée qu'ils ne contrôlent pas entièrement.

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